Les nuits de la peur

Mon père était professeur d’université à Lyon, docteur ès Lettres. Nous étions une famille de 5 enfants et j’étais la dernière.

Quand la guerre est arrivée, nous avons subi le rationnement comme tout le monde. Parfois quand mon père rencontrait quelqu’un qui lui disait : « j’ai telle marchandise. Qu’est que vous me donnez en échange ? » Et il répondait avec beaucoup d’humour : « Des cours de grec ancien, ça vous intéresse ? » Autant dire qu’il ne ramenait pas grand-chose à la maison.

Lyon a subi des bombardements terribles, surtout en 1944.

Mes parents étaient très protecteurs, mais sans se rendre compte, ils disaient des choses effrayantes, surtout pour une petite fille craintive comme moi. J’avais dix ans. Dès la nuit tombée, ils disaient : « Eteignez la lumière, on va la voir de la rue et les Allemands vont venir nous égorger dans nos chambres. » Mon frère ainé, qui avait six ans de plus que moi, me taquinait et en rajoutait en sachant bien que j’étais terrorisée.

Tout cela m’a traumatisée à tel point que je continue à vivre dans la peur. J’ai constamment peur, surtout la nuit, peur de quoi, je n’en sais rien. On ne sait pas de quoi on a peur.

Je n’arrive pas à me raisonner, même après toutes ces années.

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