Paul Lapie 1939-1942
1939-1942
J’ai usé mes premiers pantalons longs sur les bancs du lycée Lapie de 1939, (après le Certif’) à 1942, de la 6ème à la 3ème. Paul Lapie était encore une EPS.
J’ai filé ensuite, après une scolarité très dissipée et un peu chaotique, en seconde dans un lycée parisien.
A l’EPS (École Primaire Supérieure, préparant au brevet élémentaire) Paul Lapie, la conduite était sur 120 points. J’en totalisais entre zéro et 30, quand ça gazait – jugulaire-jugulaire l’Éducation sous Vichy ! alors que la notation se situait pour les matières enseignées sur 20 et 40, il me semble).
J’ai déjeuné à la cantine et goûté les fameux rutabagas gratinés aux navets, servi par Titine. Je faisais du foot à La Courneuve, le jeudi, pas souvent ! avec un certain Michelot, avant-centre d’une équipe squelettique (par le nombre), alors qu’il fallait 2 heures pour s’y rendre et autant pour rentrer.
Je me souviens des vieux profs, en octobre 39, pour les plus anciens ex-instit’, les fameux « Hussards Noirs », des hommes très respectables et respectés : Cruzel, Belloni (mon préféré), Morin (je crois, infiniment plus connu sous son sobriquet de « Narcisse » tout le contraire d’un rigolo, celui-ci !), c’était un prof de math qui nous faisait venir le matin avant la classe pour répéter la leçon non sue de la veille : je fus un de ses plus assidus mais terrorisé.
Bonhomme nous racontait sa guerre de 14 à l’Armée d’Orient où dans le service sanitaire militaire. Pour lutter contre le moustique de la malaria, il répandait des bidons de pétrole dans le Vardar….Les grands moyens, ô Ecologie !
Et puis, pendant la « drôle de guerre », nous avons eu des retraités rappelés. Nous fûmes une équipe d’infernaux galopins. Le prof’ de latin (à barbiche) nous pourchassait à travers la classe…On lui présentait hypocritement des yeux ou d’un doigt une règle, dépassant légèrement de la table, pour qu’il s’en empare au départ de la corrida (il lui fallait toujours une trique dans la main !)…nous l’enduisions préalablement de l’encre de nos encriers…ce qui donnait lieu à une seconde chevauchée !
Après 1940, nous avons « touché » des jeunes profs’ sortant de l’Université. Un monde ! par rapport aux instit’ : Chargeleygues (un type épatant), pour le français (qui nous emmena, un jour, voir l’Avare à l’ex théâtre Sarah Bernhardt – une juive, vous pensez ! – et nous présenta avec déférence au Maître Charles Dullin dans sa loge.
La « clientèle » de l’école, à l’époque, je le rappelle venait de Courbevoie, La Garenne et Bois-Colombes.
Il y eut en juillet 1939 une distribution de prix dans l’enceinte du Lycée. A l’époque, nous étions encore en paix pour quelques semaines.
Comme toutes les distributions de prix en France, c’était une solennité avec le décorum ad-hoc. On distribuait encore des prix à couverture rouge édités chez Duval, à Elbeuf.
Le Maire de Courbevoie, M Grisoni, fit un discours dans la tradition républicaine.
Il se trouve qu’était présent à la tribune un invité allemand, dont je n’ai plus le nom en mémoire, mais si je me souviens bien, un Ingénieur en visite dans ce Courbevoie traditionnellement à vocation industrielle, au même titre que quelques autre communes de l’ouest banlieusard parisien, spécialisées dans les constructions mécaniques, aéronautiques et dans l’automobile. Courbevoie « fourmillait » d’ateliers….
Un Allemand à une distribution de Prix, à l’époque, n’était pas dans les usages….
Le Maire fit un discours lyrique, passionné et intensément pacifique, sincère, je n’en doute pas un instant, – Marcel Déat venait d’écrire son célèbre article en Mai 1939 : « Mourir pour Dantzig » – s’adressant personnellement à ce représentant du peuple et de l’industrie allemands, à l’époque, un Nazi, pour qu’il rapporte, en Allemagne, ce souhait de Paix venant du fond de la population ouvrière d’une banlieue parisienne.
On sait ce qu’il en fut.
Ce discours impressionna fortement l’assistance et l’ado que j’étais.