La mariée était trop belle
Pardonne-moi Mamie si je t’ai blessé quand tu as découvert que j’avais pris la lettre de ton grand-père. Je l’ai gardée parce qu’ainsi je pouvais me rapprocher de ma famille et rendre hommage à cet homme fabuleux.
La Creuse le 20 avril 1953
Chère Jacqueline,
Je suis si fier de toi ! Je voulais t’écrire avant ton mariage avec l’amour de ta vie. Je voulais t’écrire avant de rejoindre ta grand-mère au Paradis. Te rappelles-tu quand tu m’interrogeais sur mon propre mariage et que je ne voulais rien te répondre ? Et bien aujourd’hui il est temps pour toi de connaître la vérité sur ta famille.
Il y a quarante-trois ans, nous venions juste de finir notre service militaire et j’avais pour projet de devenir curé. Un ami de mon régiment me proposa de marier sa cousine et naturellement, j’acceptai. Le lendemain nous étions déjà en chemin pour célébrer ma « première union ». A notre arrivée, j’eus juste le temps de m’habiller et de répéter mon discours. Une heure après, nous étions tous dans l’église et j’étais quelque peu angoissé. Le fiancé l’était autant que moi. Puis, la promise arriva, marchant doucement et baissant la tête. Ce dont je me souviens clairement c’est que jamais des bras n’avaient été aussi purs aussi délicats que les siens. Mais quand elle releva le regard tout ce qui était autour de moi devint flou. Ses yeux ! Je ne pourrais simplement pas les décrire mais ils traversèrent ma chair et mon cœur. Je prononçai mon discours comme un robot sans jamais détourner mon regard de cette créature du Ciel. Après le mariage, j’allai tout droit dans ma chambre pour me reposer mais je ne trouvais pas le sommeil. Je n’arrêtais pas de penser à elle, à Louise Ducourtioux, mariée à Jacques Lebrun. Puis, je commençai à maudire ce Dieu qui avait voulu que je tombe amoureux d’une femme mariée par-dessus le marché alors que je devais prononcer mes vœux de chasteté. Je ne pus plus le supporter, alors je sortis pour sentir le vent sur mon visage. Je marchais quand je rencontrai Louise vêtue d’une légère robe en soie. Elle me vit et me sourit. Je perdis soudainement mes repères et je ne reconnaissais plus l’important du futile. Amusant n’est-ce pas ? « Louise, dis-je, à la première lumière allumée dans tes yeux, je suis tombé passionnément amoureux de toi. Tu as volé mes sens par ton seul regard. Mon cœur ne bat plus que pour toi désormais. Je veux passer ma vie à tes côtés mais je n’ai pas de quoi vivre. Je veux te rendre heureuse mais je n’ai rien à t’offrir. Je me demande bien pourquoi tu me choisirais à la place de ton époux, il n’a pas son pareil… mais je t’aime et je ne veux que ton cœur. » Toujours souriante, elle s’approcha de moi et me chuchota à l’oreille : « Enlève-moi ! ». Je n’hésitai pas un seul instant car Dieu m’avait finalement donné une seconde chance. Je l’ai prise dans mes bras et nous nous enfuîmes.
C’est comme ça que Louis Ducourtioux devint Louise Hubert. Finalement, nous pouvons aisément résumer cette histoire en trois mots : coup de foudre. Et cela continue même dans la mort. Je te souhaite de connaître la même chose.
Bonne chance ma puce.
Ton Grand-père Bernard Hubert »
Merci à Bernard Hubert sans qui Safïa n’aurait pas été là aujourd’hui, sans qui Safïa n’aurait jamais cru au coup de foudre et à l’amour éternel.