Bombardée, parfumée

Ce jour-là, le jour où Bécon a été bombardé, mes parents et moi, nous rentrions chez nous à Marly où mon père possédait un studio de photographie.

Le bombardement avait eu lieu peut-être une heure ou deux auparavant et il avait coupé la ligne. On ne pouvait pas se rendre à Marly sans changer de train et nous avons été obligés de traverser les voies à pied

C’était difficile parce que mon père avait du mal à se déplacer ; il avait perdu une jambe à la guerre de 14 et il lui fallut du temps pour enjamber les rails et les débris.

J’avais quatorze ans, mais je me souviens encore des odeurs qui avaient envahi la gare. Des fosses d’aisance avaient dû être éventrées et leur puanteur flottait sur les voies. Plus surprenant, ça sentait le vin et j’ai pensé que Nicolas, le caviste, avait pu être touché également. Mais la présence la plus forte, c’était celle du parfum.

La gare de Bécon-les Bruyères s’était parfumée au Guerlain. Il ne restait presque rien de leur fabrique fracassée par les bombes, seul le parfum planait encore ce jour-là.

Il est resté dans ma mémoire.

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