Le Pari des Congolais

 C’étaient les vacances d’été, nous étions en 1958. Jean, mon grand-père, avait 14 ans. Il aimait beaucoup s’amuser avec sa tante Jeannine qui avait presque le même âge. Ils se donnaient alors rendez-vous dans la maison de ses grands-parents Armand et Marie, située à Salomé, petite ville du Pas-de-Calais. C’était la maison du « bon Dieu » où tout était permis.

Pour gagner sa vie, Armand faisait les marchés avec sa camionnette Citroën grise pour vendre des pâtisseries qu’il confectionnait tous les soirs avec son fils René, le père de Jean.

Armand était un personnage haut en couleur connu sur tous les marchés du coin. Lorsque les gens se présentaient à la camionnette pour acheter ses incroyables pâtisseries, il disait toujours « Vous pouvez y aller, c’est bon, je l’ai fait avec mon cul ! ».

Un après-midi, alors qu’Armand rentrait du marché de Billy-Montigny, Jean et Jeannine s’étaient mis en tête de faire un pari, à celui qui mangerait le plus de pâtisseries. Ils grimpèrent discrètement dans la camionnette. Ce jour-là, il restait des « congolais » que le grand-père Armand n’avait pas vendu au marché. Installés confortablement sur les sièges passagers, les plaques de « congolais » entre eux, le pari commença.

Chacun prit un « congolais » tout en se regardant attentivement. Après dix, puis vingt, puis trente « congolais » engloutis pendant deux longues heures, Jeannine, bien que très gourmande, abandonna alors que Jean finissait son quarantième « congolais ».

Jean en fut malade toute la nuit, il ne mangea pas pendant deux jours. Il ne se fit jamais gronder. Par contre et depuis ce fameux jour d’été 1958, ne parlez pas de « congolais » à mon grand-père, Jean, qui n’en a jamais plus mangé !

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