Le petit exilé
Mon arrière-grand-père, Chun Bak Tan, est né en 1914 dans une petite ville nommée Puning, dans le sud-est de la Chine. Il venait d’une famille de la classe moyenne. Pendant cette période, la situation sociale et politique était très difficile en Chine avec la montée du communisme et des cas de famine. Ses parents ne voyaient pas un bel avenir pour leur fils dans ce contexte. Ils décidèrent donc de l’envoyer seul par bateau au Cambodge. Il n’avait que neuf ans. À son arrivée, il commença à travailler sur le port de Phnom Penh en tant que docker. Parce qu’il avait la réputation d’être sérieux, il fut rapidement adopté par une famille chinoise qui possédait une entreprise d’import-export de riz. C’est là qu’il apprit les bases du commerce.
Petit à petit, il gagna de l’argent et acheta son premier camion. Chun Bak se lança ainsi dans le transport des marchandises, puis acheta de plus en plus de camions. Peu à peu, il développa également d’autres activités telles qu’une compagnie de taxis, la fabrication, les casinos, l’expédition, l’immobilier et plus encore. Il devint l’un des hommes d’affaires les plus importants du Cambodge. Grâce à cela, il finança la construction d’écoles, d’hôpitaux et d’autres infrastructures.
En avril 1975, le Cambodge tomba dans le chaos, lorsque le parti communiste cambodgien, appelé les Khmers rouges, prit le contrôle du pays et commit l’un des plus grands génocides de l’histoire, tuant près de 2 millions de personnes en seulement quatre ans.
Mon arrière-grand-père ne voulait pas quitter le Cambodge car il pensait que la crise politique ne durerait pas. Suite à la prise de contrôle des Khmers Rouges, il perdit tous ses biens et dut fuir le pays, caché par ses employés. Pendant trois longs mois, il traversa des forêts dans de mauvaises conditions pour enfin arriver au Vietnam. Là, mes grands-parents, encore vivants aujourd’hui, réussirent à retrouver sa trace par des intermédiaires. Ils le rapatrièrent en France où il mourut quelques années plus tard d’une tuberculose aiguë, probablement contractée en fuyant dans la forêt.
Cette histoire est racontée au sein de notre famille depuis des générations car elle montre que nous pouvons partir de rien et réaliser de grandes choses grâce à un travail acharné.