Avis de tempête

Nous sommes le 16 septembre 1989 et je suis âgée de 17 ans. Je suis au lycée en Guadeloupe. Un avis de tempête est annoncé mais nous n’y prêtons pas grande attention car habitués. Au fil des heures, l’avis de tempête se change en alerte, et tous les lycéens, collégiens et écoliers sont invités à rentrer chez eux. « Cool » nous disons nous, « encore une après-midi de gagnée ». De mon côté je suis loin de me douter de ce qui nous attend, vu que le récit de mes grands-parents sur le cyclone de 1928 était loin dans ma mémoire.

Peu de temps après, c’est au tour des parents, des salariés, de tous les hommes et femmes en activité de regagner leur domicile. Commence alors les opérations de fermeture de tous les locaux et des barricades des maisons. Les animaux eux aussi sont rentrés. Dans ma tête commence alors une grande aventure, car nous les jeunes nous organisons un grand pique-nique dans la chambre, lieu jusque-là interdit à la nourriture. Nous étions précisément cinq, mes frères, ma sœur, ma cousine et moi. Nous préparons un grand festin avec toutes les bonnes choses que nous aimons.

Lorsque les éléments naturels commencent à se déchainer dehors, nous ne percevons que les bruits de vents qui au début n’était que mélodie à nos oreilles. Mais très vite le bruit devient inquiétant. Les informations à la radio nous démontrent en direct que ce n’est pas un jeu. Nous étions calfeutrés à l’intérieur pour de bonnes raisons. Nos parents cherchaient à nous protéger. Nous entendons les fruits des arbres qui tombent en cascade avec un bruit assourdissant. Nous sommes effrayés. Plus de jeu de cartes à la bougie, plus de jeu de devinettes, plus de rire, juste un silence de mort. Nous étions dans « l’œil » du cyclone. Avant la panne de la radio, nous venions juste d’entendre qu’une touriste est en difficultés à la Pointe des Châteaux. Elle tente de prendre des photos de la mer déchainée.

Personne n’a dormi cette nuit-là, de 22h au petit matin, nous avons vécu l’horreur. Mais c’était une sensation étrange car nous ne voyions rien mais entendions et ressentions tous les bouleversements de la nature.  Le souvenir de ces sons durs est bouleversant.

 Lorsqu’enfin au petit matin nous avions l’autorisation d’ouvrir les portes, ce fut la consternation. Dans les rues c’était la désolation ! La différence était nette entre la Guadeloupe d’avant et la Guadeloupe d’après. Nous faisons face aux dégâts matériels et aux pertes humaines.

Dans le malheur général, notre famille s’en sortait plutôt bien car aucune perte humaine et juste une toiture fissurée. La seule chose « drôle » sur le moment fut la découverte de la voiture familiale intacte sur un parking. Elle était au milieu de plusieurs voitures cassées.

Autant dire que cette expérience cyclonique a entamé mon insouciance et le regard que je porte sur la force de la Nature.

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