Un martyr de l’éducation
Je vais raconter l’histoire de Francisco Ferrer, mon arrière-arrière-arrière-grand-père : l’une de ses trois filles est la grand-mère de ma grand-mère maternelle.
Francisco Ferrer i Guardia est né le 10 janvier 1859 à Allela, près de Barcelone, d’une famille de paysans aisés. A cette époque, l’Espagne est monarchiste et fermement catholique. En 1886 il prend part à une tentative d’insurrection républicaine qui échoue ; il est alors forcé de s’exiler en France. Il donne des leçons d’espagnol à Paris et se lie d’amitié avec de grands anarchistes tels que Faure, Grave et Malato qui lui transmettent leurs idées. L’anarchie est un courant de pensée qui pense que le meilleur moyen de faire évoluer la société est l’éducation. En 1901, il décide de retourner en Espagne fonder une école primaire moderne à Barcelone. L’Escuela Moderna ouvre ses portes le 8 octobre 1901 et rencontre un grand succès. En effet, la bourgeoisie et les ouvriers recherchent une alternative au monopole éducatif de l’Eglise catholique. Le clergé et les milieux monarchistes sont très mécontents. Le 31 mai 1906, le roi Alfonso XIII est la cible d’un attentat par le bibliothécaire de l’école qui tue 28 personnes. Cela suffit aux autorités pour fermer l’école et emprisonner l’innocent Francisco qui sera relâché au bout d’un an faute de preuves. Il décide alors de se rendre dans plusieurs capitales européennes pour plaider sa cause et fonde « la Ligue internationale pour l’éducation rationnelle de l’enfance » présidée par Anatole France. De nombreuses personnalités le soutiennent et il a une audience importante. Cependant, il se trouve à Barcelone, le 26 juillet 1909, lorsqu’une grève générale en protestation à la guerre du Rif au Maroc et de la conscription générale éclate. Celle-ci tourne à l’émeute, et l’armée se mutine. Le gouvernement envoie des troupes le 29 juillet et réprime la révolte dans le sang. Il y a une centaine de morts, environ 500 blessés et les manifestants ont eu le temps de détruire plus de 80 édifices religieux. C’est ce qu’on appelle la Semaine tragique. Francisco Ferrer n’y est pour rien dans ces évènements mais il est arrêté et accusé d’en être l’instigateur. Il est jugé par un tribunal militaire sous influence de l’Eglise. Malgré l’absence flagrante de preuves, il est condamné à mort et fusillé le 13 octobre 1909. Son exécution provoque des manifestations dans le monde entier. Sa condamnation est reconnue erronée en 1912. Aujourd’hui, de nombreuses rues, places et écoles portent son nom et un monument lui est dédié à Barcelone.