Des baguettes aux fourchettes
Je vais vous raconter l’histoire de ma mère, Vietnamienne immigrée en France à l’âge de seize ans avec ses deux sœurs, son frère et ses parents.
La famille vivait au Sud du Vietnam pendant la guerre opposant le Nord et le Sud.
À cette époque, son père, mon grand-père donc, était médecin et travaillait pour l’armée américaine. Mais, en 1975, quand les Américains perdirent la guerre, tout le pays devint communiste et mon grand-père fut arrêté. Il fut interné dans un camp pendant trois ans. Pour fuir le communisme et dans l’espoir d’une vie meilleure, toute la famille émigra en France.
Lorsqu’ils arrivèrent, c’était l’hiver et leurs vêtements n’étaient pas adaptés au froid.
La première année, ils durent vivre dans un foyer et mes grands-parents trouver un travail. Heureusement, ma grand-mère était professeur de français au Vietnam, elle put donc apprendre la langue à ses enfants et trouver plus facilement du travail.
Elle devint proviseur d’un lycée privé à Paris. Mon grand-père eut plus de mal et fut obligé de recommencer toutes les études de médecines.
Ma mère dut aller au lycée, en seconde, comme moi aujourd’hui, mais redoubla à cause de ses difficultés en français. Etonnamment, la matière qu’elle appréhendait n’était ni le français, ni l’histoire, mais le sport, qui n’était pas au programme des établissements vietnamiens.
Malgré toutes ces contraintes, elle réussit son baccalauréat sans passer par le rattrapage.
Ils avaient du mal à manger avec une fourchette et un couteau, ce qui est bizarre à entendre pour les Européens, qui eux pensent que manger avec une fourchette est beaucoup plus facile qu’avec des baguettes.
L’été dernier, nous sommes allés au Vietnam et ma mère nous a montré la maison qu’elle habitait à Hô-Chi-Minh Ville. Je pense que cela lui a rappelé son enfance et pour ma sœur et moi, c’était touchant. C’est comme si on pouvait voir son passé, en voyant cette maison et imaginer ma mère et sa famille trente ans plus tôt.