A la force du poignet
Dans ma famille, l’histoire que je vais vous raconter là est connue absolument de tous. Elle est non seulement extraordinaire, mais aussi très inspirante. Tout commence en 1985. Mon père avait 12 ans et a été pris dans un pensionnat sportif, en Ouzbékistan, le pays natal de mes parents, plus précisément dans un petit village nommé Tayliak, près de Samarkand.
Ce pensionnat présentait ses activités dans un grand nombre de stands de sport comme le football, la boxe ou encore le judo et bien sûr, il fallait que mon père en choisisse un pour pouvoir y consacrer tout son temps. Son premier choix fut le cyclisme, mais malheureusement il n’y avait plus de place. Il est donc parti voir au stand de tir. La réponse ne changeait pas : plus de place. Ensuite, est venu le tour du stand d’aviron. Sans surprise, non seulement toutes les places étaient prises, mais il s’avérait qu’il était trop petit. Finalement, il s’est tourné vers le stand d’un sport dont il ne connaissait pratiquement rien : le canoé-kayak. Cette fois-ci, il restait quelques places mais mon père, n’ayant pas été un très bon élève à l’école, présentait un bulletin assez lamentable à l’entraîneur, car, oui, les notes comptaient si l’on voulait être pris dans chacun de ces sports. « T’as la moyenne, mais je vais pas te prendre ». Sa matinée s’est terminée sur ces mots et il a donc quitté les lieux, dépité. Mais quelques temps après, il est quand même revenu vers ce coach pour retenter sa chance.
Ce dernier ayant un peu pitié de lui, l’accepta, sachant pertinemment que mon père n’avait aucun potentiel dans ce domaine.
Au bout d’un an dans ce pensionnat, il présentait déjà de très bons résultats. Ses journées se résumaient à faire du sport trois fois par jour : matin, midi et soir. Il s’entraînait corps et âme et a réussi à rentrer à ses 16 ans, dans une école nationale d’URSS. Ses bons résultats sportifs au fil des années lui ont permis d’obtenir le grade de sportif de haut niveau, mais aussi de devenir un champion national.
Il participait à de nombreuses compétitions, notamment une qui l’a marqué dans les années 90 : la coupe du monde de canoé à Malines en Belgique. C’était d’ailleurs à ce moment-là que mon père a entendu parler de la Légion étrangère en France, une idée qu’il garda dans sa tête, les années suivantes. En1995, son équipe et lui furent sélectionnés pour les Jeux Asiatiques ; une étape importante dans sa carrière puisque grâce à cette compétition, il put obtenir la qualification pour participer aux Jeux Olympiques. C’est donc en août 1996 que mon père a participé aux J.O. d’Atlanta en canoé-kayak, course en ligne K-2500 mètres et il est arrivé jusqu’en demi-finale. Sa fierté était non seulement d’avoir participer à cet événement, mais aussi d’avoir pu représenter son pays, l’Ouzbékistan, comme un pays indépendant. Deux ans après, l’idée d’aller en France lui est revenue à l’esprit ce qui a amené sa décision de s’engager dans la Légion étrangère au 2ème Régiment Étranger Parachutiste (2REP). Malheureusement, en 2001, il a été blessé et a donc dû quitter son unité, tout en restant en France et tout doucement s’installer pour pouvoir ainsi fonder une famille. À ce jour, mon père reste donc le seul élève de son entraîneur de canoé-kayak, qui a participé aux Jeux Olympiques. Cette histoire, pour moi, est une réelle leçon de vie. Plus je grandis, et plus elle prend du sens pour moi et pour toute ma famille.