Les rescapés de la mer Andaman
C’était en 1994. Mes parents, ma sœur et moi étions partis passer nos vacances d’été en Thaïlande. C’était mon premier grand voyage et j’allais apprendre qu’avec mes parents, « voyage » ne signifiaient pas « repos ».
Le ciel plombé, souvent menaçant, semblait s’ouvrir régulièrement pour déverser sur nous un trop-plein d’eau qui nous rendait ruisselants en une seconde.
Après une petite semaine passée sur l’île de Koh Samui, la famille se mit en route, et surtout en mer, pour rejoindre la ville de Krabi, à l’ouest de l’île.
Le voyage m’avait déjà paru interminable (bateau, puis bus bondé) mais l’aventure allait vraiment commencer lorsque mes parents nous annoncèrent à ma sœur et moi qu’ils voulaient nous emmener sur l’île minuscule de Phra Nang.
Nous avons embarqué tous les quatre sur un bateau pirogue et après avoir attendu d’improbables autres passagers, le capitaine décida de partir.
J’eus alors plutôt l’impression que nous « décollions » …
La mer était déchaînée. Le bateau faisait des bonds dans l’eau. Nous étions trempés ! Et toujours ce ciel menaçant ! Ma sœur criait, mon père s’accrochait aux sacs à dos détrempés et ma mère nous serrait dans ses bras en tentant de nous rassurer. Mais je voyais bien dans ses yeux qu’une catastrophe était prête à survenir.
Je me mis à chanter, comme pour attirer les sirènes qui, pensai-je, viendraient nous sauver. Quelle naïve !
Lorsqu’au bout d’une heure passée dans cet enfer, on débarqua enfin, ce n’était pas pour toucher l’eau : des Thaïlandais vinrent à notre rencontre dans l’eau pour nous porter ma sœur et moi, jusqu’au rivage tandis que mes parents portaient les sacs à dos au-dessus de leur tête, de l’eau jusqu’aux genoux !
Ce jour-là, je me dis que cette mer qui était « au bout du monde » nous avait sans doute punis de la déranger !