Notre ami chinois
Ma mère est partie visiter la Chine en 1982.
Là-bas, elle s’est liée d’amitié avec le guide touristique du groupe. Deux ans après, celui-ci est venu poursuivre ses études de sciences politiques en France. Il partageait alors un appartement du 13eme arrondissement, dans le quartier chinois. Il dormait dans un petit dressing de 3 ou 4 m² la nuit et partait travailler le jour. Son colocataire, qui travaillait la nuit, dormait pendant la journée dans le petit dressing.
Apprenant cela, ma mère lui a proposé de venir habiter chez mes grands-parents. Il a accepté et il y est resté plus de deux ans. C’est là, qu’il a découvert la vie à la française, les expressions et la cuisine, essentiellement grâce ma grand-mère qui partageait tant de choses avec lui. Il a découvert les supermarchés, il n’en avait jamais vu avant, il n’y en avait pas en Chine à cette époque. Il a découvert qu’en France on se fait la bise jusqu’à quatre fois, alors que Les Chinois sont des personnes qui évitent de montrer leurs sentiments en public. Pour se dire bonjour, ils se contentent de se pencher légèrement la tête vers le bas afin de montrer leur respect. Les bises et embrassades sont considérés comme des gestes déplacés.
Ils jouaient ensemble au Scrabble tous les dimanches et après quelques semaines, c’est lui qui gagnait toutes les parties. Ils discutaient politique, n’étaient pas d’accord (sur la question du Tibet par exemple), mais leur amitié allait au-delà de tout ça.
Il savait tout faire. Chez ma grand-mère, il cuisinait beaucoup, il réparait beaucoup de choses, un jour, il a même réussi à fabriquer une clé que ma grand-mère avait perdue. Il plantait des arbres dans le jardin. Il avait appris à faire tout ça à l’époque de Mao, quand on envoyait les étudiants à la campagne et dans les usines.
Ma grand-mère l’a emmené en vacances à plusieurs reprises en Bretagne. Elle l’appelait « mon petit ».
Il y avait du respect mutuel et une grande amitié.
Il est retourné en Chine après quelques années en France, il a invité ma grand-mère à son tour chez lui à Pékin.
Il est ensuite revenu en France pour donner des cours de relations internationales. Pendant les années qui ont suivi, il a occupé des fonctions de diplomate, en France et à l’étranger. Même parvenu à ces hautes fonctions, il nous a toujours invité aux réceptions.
Il disait que ma grand-mère et ma mère étaient sa deuxième famille.