Les amants prisonniers
Mon père a été fait prisonnier en 1940 et il a ensuite été interné dans un camp en Allemagne. C’est là qu’il a rencontré ma mère. Elle était russe et venait d’une région où existaient des villages allemands depuis l’époque où le tzar Pierre 1er avait invité des colons à venir faire prospérer le pays. Avant-guerre, ma mère travaillait comme ingénieur à Krivoï-Rog dans le Donbass, une région très riche en minerais.
Elle a été prise comme otage par les Allemands et elle s’est retrouvée internée, elle aussi, dans un camp… juste à côté de celui de mon père.
Les Français étaient autorisés à recevoir des colis de la Croix-Rouge, de la nourriture surtout. De l’autre côté des barbelés, la situation était très différente pour les prisonniers russes qui étaient maltraités et affamés par les Nazis. Eux ne pouvaient pas recevoir l’assistance de la Croix-Rouge.
Mon père a fait la connaissance de ma mère dans ces circonstances terribles. Il a réussi à lui faire parvenir de quoi manger un peu et de cette façon, elle a pu survivre.
A la libération du camp par les Américains, ceux-ci ont rapatrié les Russes dans un centre d’internement en France. Ils devaient être ensuite renvoyés en Russie. Ils savaient tous que Staline considérait les prisonniers comme des traîtres et qu’il s’apprêtait à les exécuter ou à les envoyer au goulag dès leur retour.
Mon père a réussi à exfiltrer sa compagne et ils ont pu se retrouver et se marier.
Ma mère qui parlait pourtant russe, ukrainien et allemand n’a jamais pu écrire le français, qu’elle parlait pourtant très bien.