Les souvenirs d’Odette
Mon grand-père venait de Saint-Simon dans l’Aisne. En 1905, c’est lui qui a fait construire le premier pavillon de la rue Kilford entre la rue de La Garenne (Jean-Pierre Timbaud) et la rue des Varebois (d’Estienne d’Orves). La maison était en retrait de huit mètres par rapport à la rue, c’était rendu obligatoire par une disposition du testament de M. Kilford. La maison était éclairée au gaz. Je suis née en 1926. Quand j’étais enfant, il y avait encore des tuyaux pour les becs Auer d’arrivée de gaz, mais nous avions déjà l’électricité à l’époque, mais seulement dans les pièces principales. Les fils électriques torsadés couraient le long des murs. Il n’y avait pas d’appareils ménagers, l’électricité servait juste à s’éclairer. Nous n’avons eu notre premier poste de radio à galène que pendant la guerre pour écouter la BBC.
Même rue Kilford, on sentait parfois l’odeur de chocolat qui venait de l’usine Banania rue Lambrechts. En allant à l’école, je longeais le mur de l’usine des Lampes Z.
Je passais aussi devant Langlois, la blanchisserie de gros rue de Colombes à l’angle de la rue Kilford et jusqu’à la voie ferrée où les petites blanchisseries apportaient le linge. Ça sentait bon le savon et le propre. J’étais d’ailleurs en classe avec les jumelles Langlois. A l’époque quand nous revenions de mla place Herold, nous empruntions le passage Louis Thuillier qui était juste derrière l’entreprise.
Nous faisions nos courses avenue de la République à la charcuterie, l’épicerie Bosselet, la boulangerie Debove, une des boutiques Amiot, chez le marchand de couleurs. De l’autre côté de la rue de la Garenne, il y avait un tabac qui existe toujours et une boucherie qui a fermé.
J’allais à l’école Sainte-Geneviève qui se trouvait 36 rue de l’Alma en face d’une mercerie. On entrait sous un porche, et on tombait sur une première cours avec des bâtiments bas où se trouvait le réfectoire. La cour était longue. Tous les classes étaient au rez-de-chaussée. La classe des plus jeunes se trouvait dans la deuxième cours , la classe des grands dans la troisième. Je suis entrée en 6e au lycée Racine à Saint-Lazare. Il n’y avait pas de lycée à Courbevoie qui faisait du classique parce que je faisais du latin. Pendant la guerre Racine a fermé et pour ma cinquième, je suis allé au lycée Pasteur de Neuilly. J’avais cours avec les plus jeunes l’après-midi dans l’aile des filles.
Je me souviens être allée à Paris à pied pour écouter des concerts dans l’après-midi.
Au moment de l’arrivée des Allemands, la fabrique de cycles Alcyon a liquidé ses stocks et mes parents m’ont acheté une bicyclette bleue, elle doit être encore au grenier.
Pendant la guerre tout était calfeutré pour éviter de laisser passer des rayons de lumière la nuit en cas de bombardement. Nous avions bourré le tour des fenêtres de papier journal. Là où se trouve aujourd’hui le restaurant le Dattier avenue de la République, il y avait un petit immeuble de trois étages avec des abris dans les caves. Il a été rasé par une bombe.
Mes parents avaient décidé de ne plus aller aux abris pendant les alertes et nous avons eu de la chance, des bombes sont tombées dans un jardin à côté mais n’ont pas éclaté.
Le 31 décembre 1943, lors du bombardement, je n’avais que 17 ans mais je tenais le poste de la Croix rouge dans l’école rue de l’Hôtel-de-Ville. Mes frères ont aidé à déblayer les décombres.
Plusieurs de mes amies de classe ont été tuées.
