La bonne étoile

Il s’agit juste d’une de ces histoires dont on raffole. Un de ces récits qu’on aime écouter, car bien qu’appartenant au passé, ils ont existé.

La première fois que j’ai entendue celle que je vais rapporter ici, je ne devais pas avoir plus de 12 ans et étais chez mes grands-parents. Je venais d’écrire une nouvelle se déroulant lors de la Seconde Guerre Mondiale et je demandais à ma grand-mère, si elle avait des souvenirs précis de cette époque. Je savais qu’elle n’aime pas particulièrement repenser à cette période de sa jeunesse, mais elle m’en raconta quand même quelques-uns. J’en ai oublié, mais un me reste à l’esprit, comme si je l’avais vécu…

C’était aux environs de 1942, ma grand-mère avait 17 ans et était en sortie avec sa classe au Vel d’hiv (vélodrome d’hiver). Comme toute adolescente, elle était entourée de ses meilleures amies. L’une d’elles, s’appelait Jacqueline Oppenheim. Comme son nom le laisse deviner, elle était juive et portait donc l’étoile jaune. Elle était anglaise et avait un de ces légers accents venus d’ailleurs qui lui donnait un charme incroyable. Cependant, les élèves n’étaient pas les seuls invités. Des miliciens étaient dispersés et veillaient à ce que chaque personne soit dans la travée qui lui correspondait. Or, Jacqueline était mêlée à des « non-juifs » et son étoile jaune le signala instantanément. Deux des miliciens s’approchèrent d’elle et lui dirent de rejoindre les rangs des Juifs. Ma grand-mère, de nature impulsive et solidaire, répondit immédiatement que si son amie partait, elle l’accompagnerait. La chance, le hasard, qui sait ? En tout cas, les deux hommes fermèrent les yeux, laissèrent Jacqueline à sa place et ne répondirent pas à l’air effronté de ma grand-mère.

Néanmoins, lorsque celle-ci revint en cours le lendemain, ses camarades l’accueillirent chaleureusement. A la sortie du vélodrome, ma grand-mère n’avait pas emprunté la sortie encadrée par les miliciens. Mais les deux hommes, dirent à ses camarades : « dites à votre amie que nous avons été gentils, mais qu’une autre fois, elle aura moins de chance ».

Quelques mois plus tard, Jacqueline et sa famille repartirent vivre à Londres. Ma grand-mère dut dire adieu à son amie, mais pas à sa témérité…

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