La mémoire des souffrances

C’était vers 1991, mon oncle a voulu se rendre dans le Artzakh (l’enclave arménienne du Haut-Karabakh). Il voulait être présent pour défendre la région alors que la tension commençait à monter avec l’Azerbaïdjan.
Il est parti de Erevan et mes grands-parents l’ont rejoint en nous emmenant aussi ma sœur et moi, sûrement pour les vacances. Nous étions encore enfants et nous ne nous rendions pas compte des événements. Quand la guerre a éclaté, ma mère qui était restée à Erevan était très inquiète car elle n’avait pas de nouvelles de nous. Je ne sais pas comment mais ils ont réussi à nous rapatrier par avion à Erevan.
C’est à notre retour que nous avons appris que mon grand-père avait été arrêté par les Azéris et emmené comme otage. Ce qui est étonnant, c’est que ce sont des soldats russes, qui nous défendaient habituellement qui l’ont arrêté et remis aux mains des Azéris. Mon grand-père a été interné avec beaucoup d’autres otages. Il a été torturé, ébouillanté, aspergé d’eau roide et ils le frappaient parce que mon grand-père refusait d’arracher les moustaches ou les cheveux des autres détenus. Cela a duré un mois, puis il a été échangé contre des prisonniers azéris.
A sa sortie de prison, il était très amaigri et ne pouvait pas tenir debout. Ma grand-mère pensait qu’il allait mourir, mais il a réussi à se rétablir. Il a vécu encore vingt ans et nous a raconté toutes les atrocités qu’il avait subies.

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