La jeune fille qui ne voulait pas être nonne
Ma famille avait une ferme dans un village du côté de Cologne, ils cultivaient le tabac entre autres. Ma mère était la dixième enfant de la fratrie. Deux frères étaient déjà prêtres, une sœur était devenue religieuse et ma mère devait suivre le même chemin puisque ses parents avaient déjà prévu qu’elle rentre au couvent. Ma mère n’avait pas du tout envie de se plier à cette décision et, le jour de ses vingt ans, elle s’est enfuie. Elle est passée par le Luxembourg et est arrivée en France. Sur son chemin, elle gagnait un peu d’argent en s’occupant d’enfants, disons qu’elle travaillait comme nounou quelque temps puis reprenait sa route.
Elle avait envie de voir Paris et c’est là qu’elle a rencontré un médecin qui l’a d’abord embauché comme secrétaire. Comme il l’appréciait, elle est vite devenue une fidèle collaboratrice et cela lui a permis de suivre une formation de sage-femme. Elle en avait toujours rêvé de faire une carrière médicale. Ce docteur avait pour projet d’ouvrir une clinique en Algérie et elle est partie avec lui à Alger. Elle avait coutume de prendre la rue Michelet, la belle rue d’Alger, pour se rendre à son travail et elle passait donc régulièrement devant « l’Automatique », le bar chic de la ville où les garçons de bonne famille prenait souvent un verre en terrasse. Mon père qui était là, avait remarqué cette belle blonde et ses amis l’ont poussé à faire le premier pas. Elle qui comptait alors poursuivre sa route aux Etats-Unis s’est donc installé pour de bon en épousant ce garçon dont la famille vivait en Algérie depuis des générations. Notre famille de « pieds noirs » est revenue à Paris après l’indépendance de l’Algérie. Pour quelqu’un qui devait vivre entre les quatre murs d’un couvent, ma mère a beaucoup voyagé.