La petite fille et la guerre

Je suis née à Kilford, puis je suis allée à l’école du Cayla, côté filles, bien sûr.

En 1943, ma mère est retournée à Kilford pour accoucher de ma petite sœur et elle m’a raconté qu’entre la faim et le froid, c’était un cauchemar absolu. Aucune mère de famille n’avait de lait parce qu’elles étaient sous-alimentées. Il n’y avait pas de gaz à cause du bombardement de février et on apportait pour les nourrissons des biberons froids.

J’avais quatre ans, je me souviens que quand il y avait une alerte, mon père me prenait dans ses bras pour descendre dans l’abri et un voisin, qui avait fait la guerre de 14, tenait au-dessus de moi une valise pour éviter que des gravats ne tombent sur moi. La nuit, je guettais avec beaucoup d’angoisse et quand l’alerte sonnait, j’étais la première à le crier à mes parents

Je suis allée à la maternelle mais très peu parce que j’ai été évacuée en Auvergne chez mes grands-parents qui étaient retournés au pays dans le sud du Cantal. Là-bas, il y avait des poules et des cochons. Cet été-là ils nt évacués les enfants de Courbevoie et mon père qui était directeur d’école a été chargé d’un groupe du Cayla et peut-être d’autres écoles. On est partis dans un petit village au bord du Lot entre Cajarc et Cahors, à Saint-Martin-Labouval. On y est restés de juillet 43 à mai 45.

Il y avait une belle maison qu’on appelait le Château avec un grand parc devant et derrière un immense potager.

Nous habitions dans la maison de gardiens que le propriétaire avait mis à notre disposition.

Mon petit frère y est né en 1945.

Les enfants étaient placés dans des familles. Mon père leur rendait visite à vélo régulièrement pour vérifier que tout allait bien. Il y a eu des épidémies de gale, d’impétigo, de choses comme ça et les enfants venaient chez nous.

A Saint-Martin-Labouval, je me souviens très bien des passages d’Allemands, ceux qui seront responsables des fameux 99 pendus de Tulle juste après. On les a vu déferler sur la petite route, ils ont encerclé le village au lance-flamme et ils ont exécuté le maire, l’instituteur et le curé.

Mon père était justement parti en tournée à vélo et heureusement, il a entendu une colonne arriver et il s’est jeté à plat ventre dans le fossé.

Nous sommes revenus à Courbevoie pour la rentrée 45.

Mes parents n’avaient plus un sou parce que les salaires n’avaient pas changé depuis des années et mon père a décidé de prendre en charge une colonie de vacances de la ville pour gagner quelques sous. C’était à Radepont dans l’Eure à côté de Fleury-sur-Andelle. Il y a eu un ou deux cas de diphtérie. Mon père était forcément en contact avec les gosses. Les enfants n’étaient vaccinés qu’à partir de deux ans à l’époque et mon petit frère qui avait treize mois a été contaminé et il est mort en novembre. L’après-guerre a été très sombre chez nous.

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